Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/254

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moi, dit-elle humblement, ni qu’il t’arrive malheur. Je retournerai chez mon frère…

Elle s’arrêta désolée. Louis ne la regardait ni ne répondait. Qu’est-ce que cela voulait dire ? N’aimait-il plus Lévise. Elle s’offrait à partir pour lui rendre le repos, mais enfin il fallait qu’il parlât, qu’il l’exigeât, qu’il reconnût le dévoûment, et la jeune fille se disait qu’il était impossible qu’il la laissât s’en aller sans un remercîment, un regret au moins. Est-ce qu’il était saisi par quelque maladie terrible ?

— Je suis perdue ! murmura-t-elle plaintivement, appelant au moins la pitié de Louis.

Celui-ci ne bougea pas davantage. Il n’avait pas l’air d’entendre.

La pauvre Lévise faiblit. Où donc pourrait-elle trouver du secours ?

— Ah si je pouvais me marier ! dit-elle presque tout bas, voulant et ayant peur en même temps que le jeune homme entendît ce vœu égoïste, personnel.

Louis resta toujours immobile, muet…

— À Paris, continua Lévise, à Paris on ne nous connaîtrait pas ! Je sais bien que je ne puis me marier, essaya-t-elle de dire avec résignation, mais ses larmes jaillirent plus grosses, plus pressées. Elle les avait trop comprimées. L’insensibilité étrange de Louis était le dernier coup.

— Oh ! s’écria-t-elle d’une voix tout à fait brisée, déchirante, qu’ai-je fait, mon Dieu, qu’ai-je fait pour être si malheureuse !

Mais aussitôt elle poussa un cri de joie presque fougueux : Louis s’était enfin levé et accourait à elle les bras étendus, il la pressa sur sa poitrine, il l’embrassa vingt fois.