Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/259

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jour excellent pour montrer à tous ces paysans quel cas il faisait de leurs opinions. Comment ! dans les terres de son père, tout ce monde avait toujours humblement le chapeau à la main depuis le conducteur de charrue et le berger jusqu’aux maires de deux ou trois villages où sa famille possédait de grandes fermes. Il était là-bas comme un prince au petit pied, et ici il serait obligé de rendre compte de ses actions au dernier mendiant !

Aprés avoir dit à Lévise : Ce n’est rien, je réfléchissais, il ajouta : As-tu encore un peu de courage ?

— Avec toi, oui ! répondit-elle.

— Je ne te demande plus qu’un effort, ensuite tes épreuves seront passées !

— Eh bien, quoi ? reprit Lévise résolue, bien qu’elle fût fatiguée et qu’elle eût souhaité le repos.

— Demain nous irons ensemble à la grand’messe !

— À la grand’messe, à l’église ! devant tout le monde !

Lévise ne put réprimer l’effroi de sa voix.

— Pour faire nos adieux ! dit Louis tâchant de sourire pour l’encourager. Est-ce que tu ne t’en sens pas la force ? demanda-t-il.

— Si ! dit-elle, ayant peur qu’il ne la trouvât trop faible !

Mais l’inquiétude prit le dessus.

— Ne sois pas imprudent, reprit vivement Lévise. On nous en veut. Si on te faisait du mal !

— Tu as vu qu’on ne m’en a pas fait beaucoup ce matin.

— Que ferons-nous là seuls ? dit-elle.

— Nous irons et nous reviendrons, répondit Louis.

— Mais si on te dit quelque chose ?

— Que veux-tu qu’on dise ! répliqua Louis, dont le sang-froid était purement extérieur, car il sentait qu’il