Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/27

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à être la victime de ses propres maladresses, ne pouvant faire mieux.

— Eh ! mon Dieu ! vous irez ce soir, afin qu’elle vienne demain. Ce sera assez tôt, quoique ce linge tombe en loques et ait grand besoin de l’aiguille.

Louis espérait ainsi se faire contre la pénétration d’Euronique un bouclier de l’urgente nécessité de réparer le linge. Et il crut assez naïvement qu’il donnait le change à la servante.

Il aurait voulu, par une sorte de pudeur timide, que personne ne s’aperçût de la préoccupation que lui causait Lévise, et en même temps il ne pouvait s’en cacher : de même ces statues qui ont un vêtement trop court, et découvrent une moitié de leur corps pour voiler l’autre !

Cependant Louis comprenait bien qu’il ne parvenait guère à détourner la sagacité d’Euronique ; mais comment réussir dans une entreprise impossible !

Le lendemain, à peine Louis fut-il levé, qu’Euronique vint d’un air de mystère lui dire : Elle est en bas !

Louis trouva, dans une des pièces du rez-de-chaussée, Lévise qui attendait ses ordres.

Elle était vêtue d’une robe d’indienne assez laide qui ne justifiait point les attaques d’Euronique contre la coquetterie de la jeune fille. Un foulard noir à points blancs se croisait sur ses épaules, et elle était tête-nue. Elle était venue en habit de travail.

Louis fit attention à tous ces détails, et il regarda presque avec minutie les mains, la taille et le visage de Lévise, comme s’il eût craint de s’être trompé à son égard et qu’il eût voulu se confirmer qu’elle était bien telle qu’il l’avait vue pendant les premières rencontres.

Bien que rapide, cet examen naïf embarrassa la jeune fille, qui baissa les yeux, puis regarda Euronique, ayant l’air de lui demander où était l’ouvrage.