Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/274

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Le bruit de la salle s’éteignit comme par enchantement, et tous les visages se suspendirent à celui de Guillaume et de l’homme ainsi admonesté. Ce dernier se serait caché sous la table sans le respect humain.

Guillaume se rassit et reprit le jeu. Volusien était resté presque immobile.

Une voix s’écria : Bravo, Guillaume !

C’était un de ceux qui le craignaient le plus, et qui faisait acte de courtisanerie.

On se rappelait ce qui était arrivé à Bagot.

Une rumeur s’éleva d’abord sourde et voilée, puis grandit et remplit tout le cabaret. Puis, comme on vit Guillaume se lever de nouveau, le silence et l’attente recommencèrent.

— Il est nuit, allons faire notre promenade, dit-il à Volusien. Le frère de Lévise l’imita sans demander aucune explication. Ils traversèrent les rangées de tables et sortirent, Guillaume fier de l’émoi ainsi causé.

Dès qu’ils furent sortis il ne fut plus question que d’eux, de Louis, de Lévise et des Cardonchas. Les récits furieux d’Euronique avaient beaucoup excité le village.

Le bruit courait que Louis l’avait battue. On commençait à savoir à peu près qui était Leforgeur, un étranger venu de quinze lieues de là, sans racines dans les environs. On trouvait qu’il traitait le village en pays conquis. Bien que Lévise fût une fille déconsidérée auparavant, ce n’était point parce qu’elle était séduite que les gens du village se fâchaient, mais parce que Louis prétendait la mettre au-dessus des autres femmes pour qui elle était autrefois une brebis galeuse. Chaque ménage voyait là une atteinte. Une fois lancé dans cet esprit, on en était venu à considérer Volusien et Guillaume jadis détestés, comme des égaux gravement outragés.