Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/288

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fit comme eux. Le curé et les deux autres continuèrent du haut du péristyle leur travail de pacification et de dispersion de la foule. Néanmoins aucun d’eux ne se soucia de s’adresser aux braconniers. On fit comme si on ne les voyait pas, après que le curé leur eut dit une seule fois : Allons, ne restez pas là !

Louis se trouvait seul avec Lévise à demi-folle. Alors il s’aperçut de ce qu’elle avait dû souffrir. Il resta un moment lui-même atterré de l’avoir tellement oubliée et de n’avoir pensé qu’à lui. Il éprouva un grand serrement de cœur. Il crut un instant qu’il ne pourrait jamais ranimer Lévise, ni apaiser et guérir cette dernière et extrême douleur qu’il avait tout fait pour lui apporter. Sa conscience allait-elle être chargée d’un malheur irrémédiable ? Mais il songea qu’il avait toutes les ressources de l’avenir devant lui. — Je donnerai à Lévise, se dit-il, toute ma vie pour prix de sa journée d’aujourd’hui, je mettrai tant d’ardeur, de soins, de volonté qu’elle ne saura plus un jour qu’aujourd’hui a existé, ou si elle se le rappelle, il faudra que ce soit avec bonheur !

Une autre pensée vint presque aussitôt le débarrasser de ce tourment. Est-ce moi qui ai fait cela, est-ce moi qui l’ai voulu ? se dit-il encore. Non, ce sont ces misérables, c’est ce braconnier. Alors il fut repris par l’exaspération enragée qui l’avait amené à l’église, cette exaspération qui lui mettait de l’acier dans les veines et voulait que rien ne le fît reculer. Mais elle était plus impatiente, plus nerveuse, et tournée plus directement contre Guillaume.

— Viens, dit-il d’abord doucement à Lévise, viens, il faut rentrer.

Elle eut un mouvement de crainte machinal. Louis l’enleva de la chaise presque de force.