Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/295

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— Monsieur le curé ! répéta Lévise que l’espoir, la joie subite soulevaient. Elle lui montrait Louis et Guillaume ! Les bras étendus, elle eût voulu pousser elle-même le prêtre au milieu d’eux. Elle s’arracha des mains du capitaine par une secousse extrême.

Tout cela n’avait pas pris deux minutes de temps, la bataille et l’arrivée du prêtre ! Le curé hésita une seconde ; rien ne semblait devoir arrêter ces bras qui se levaient et retombaient en emportant tout le corps dans leur élan. Il eut une bonne inspiration, il enleva promptement sa chasuble des mains de l’enfant de chœur, et jeta comme un voile sur les bâtons la lourde étoffe brodée. Louis et Guillaume tout étourdis, stupéfaits, baissèrent leurs bras ; la chasuble tomba à terre entre eux et les sépara. Aussitôt le curé s’avança et les repoussa de la main.

— Oh ! monsieur le curé ! s’écria Lévise folle de reconnaissance.

— Malheureux ! dit-il, osez donc fouler aux pieds le vêtement sacré !

Ils reculèrent sans bien comprendre. L’ivresse de la lutte fermentait encore toute chaude dans leur tête. L’intervention du prêtre donnait de la honte à tous ceux qui étaient là. Chacun avait sur la conscience le reproche d’avoir assisté, comme à une partie de plaisir, à un assaut qui pouvait amener la mort d’un homme. Pas un seul n’avait fait son devoir.

Le beau Guillaume reprit le premier son sang-froid. Il vit aussitôt qu’il n’y avait rien de décisif à faire là, sa pensée se reporta au petit taillis d’où l’on plongeait sur la maison de Louis. C’était l’endroit sûr. Il n’avait pas à se battre au hasard, il avait à se venger, à venger tout le monde. Il reconnaissait qu’en plein chemin, au dehors, il y aurait toujours quelqu’un qui se mettrait entre lui