Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/299

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malheur ? soyez raisonnable. Il faut absolument que vous partiez !

Louis ressentait un grand ébranlement. Combien avait été stérile et vaine toute cette furie dépensée pendant une heure. Quel bénéfice en avait-il retiré, même pour son amour-propre ? C’était lui que le curé avait protégé par son intervention, et non le braconnier. Il avait eu beau arriver à la dernière limite de ses forces, vainement tout ce qu’il avait de volonté s’était soulevé, et il avait mis en jeu une énergie morale dix fois supérieure, eu égard à sa complexion, à celle d’aucun autre homme, pensait-il. Il se rappelait l’invincible raideur du bras de Guillaume, cette puissance naturelle de muscles contre laquelle son vouloir exalté jusqu’à l’infinie tension, avait échoué. Il devait reconnaître qu’il était le moins fort et qu’il aurait été assommé, si on ne les eût séparés à temps. Louis ne pouvait supporter l’idée d’aucune infériorité. N’était-il donc qu’un pauvre petit homme impuissant ?

Découragé de lui-même, il trouvait qu’à l’église il avait été mou, inerte, il s’accusait aussi d’avoir été enchanté de laisser aller le braconnier sans essayer de recommencer le combat, et d’avoir trop facilement profité de ce que le capitaine et Lévise le pressaient, pour abandonner le terrain et venir se réfugier chez lui. J’aurais du me faire tuer sur la place se disait-il. Il n’avait rien obtenu pour Lévise non plus, sinon de démontrer que sa protection était inefficace pour elle.

— Vous m’avez fait fuir, dit-il ; si on laisse croire à ces gens-là qu’on a peur, il est certain qu’on ne les arrêtera pas.

— Comment, répliqua vivement le capitaine, vous n’êtes pas encore content ? Vous avez mis tout le village à l’envers, vous avez tenu tête sans un seul accroc à un