Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à la fin, jusqu’à ce qu’il n’y eût plus personne debout devant la maison.

Le capitaine qui faisait depuis le matin un rude métier de pacificateur éprouva une espèce de désespoir de se trouver jeté entre tous ces êtres acharnés. Il songea un instant à décamper ; puis, cherchant de toute la vitesse de son esprit un moyen d’empêcher les suites funestes qui menaçaient de survenir, il enleva brusquement la clef de la porte qu’il ferma sur Louis avec la décision d’un vieux stratégiste.

Celui-ci resta un moment hébété dans l’obscurité en face de cette porte fermée ! avec ses deux pistolets devenus inutiles dans ses mains !

Pendant ce temps-là, le capitaine s’élança vers Lévise. La jeune fille avait ouvert la fenêtre et les volets, et elle était apparue aux paysans comme une louve qui bondit.

Toutes les torches s’élevèrent en l’air de toute la longueur des bras qui les portaient pour qu’on vît bien ceux qui venaient à la fenêtre.

Quarante faces étaient dirigées vers Lévise. La flamme agitée des « résines » les éclairant subitement, ou les laissant retomber dans l’ombre semblaient les faire onduler et les multiplier, faces grossières, odieusement curieuses, pleines d’une méchanceté bestiale, et portant un rire imbécile.

— Les voilà ! s’écrièrent les paysans avec un beuglement prolongé et retentissant.

Aussitôt la chanson fut lancée à pleins poumons comme un mugissement de bœuf ou d’ours. Quelques-uns des chanteurs dansaient du reste comme des ours. Jamais divertissement ne leur avait causé un tel plaisir. La chanson passa comme une décharge d’artillerie. Lévise était frémissante et folle devant ce vacarme au milieu