Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/318

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taine nous presse singulièrement de partir ! Alors Louis pensait encore que c’était se tracasser pour un coup de dés qui pouvait tourner à son avantage, ou qui ne serait même pas joué, qu’on ne tue pas les gens si brusquement, et que quand même les braconniers auraient le désir et la volonté d’assassiner, il y avait une grande distance entre ce désir et sa réalisation.

C’était Lévise qui lui avait transmis cette supposition cruelle qu’on voulait les tuer.

Il la regarda de nouveau et son cœur se serra ! La nuit porte l’impression de l’abandon, de l’isolement, de la faiblesse ; elle semble anéantir l’existence des amis, des choses favorables, des lieux où l’on trouvera abri !

— Oh, se dit-il, mon adoration pour cette fille si bonne, si dévouée, si généreuse, ne saurait donc pas la sauvegarder !

Il décida Lévise à prendre quelque repos.

— Ah ! répondit-elle, où sommes-nous ?

Elle était obsédée par la pensée que le ciel ne l’aimait pas et elle attendait avec une terreur sourde l’heure où l’arrêt prononcé serait exécuté. Chaque fois qu’un craquement ou un bruissement se faisait entendre soit au dehors, soit dans la maison, elle se disait : Voilà qu’on va nous tuer ! Elle n’osait en parler à Louis, elle était absorbée par sa crainte et ne pouvait un seul instant s’empêcher d’écouter les avertissements de cette crainte qui étaient comme une voix basse et sinistre parlant dans son sein. Dans la nuit elle se sentait abandonnée avec Louis, environnée de puissances malfaisantes et mystérieuses, de fantômes, de revenants.

Louis s’étant un peu endormi, elle le réveilla et lui dit de nouveau d’un ton qui le glaça lui-même : J’ai peur, j’ai peur !