Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/48

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La confusion de Lévise devint extrême ; mais elle ne pleura point comme la veille. Elle serra les dents, et, enhardie par la protection de Louis, répliqua avec une colère concentrée :

— Vous êtes une méchante femme ! Mon frère ne me bat jamais ; je ne me laisse pas battre. Vous ne faites que dire du mal de nous !

Louis était ravi de la colère de Lévise. Euronique fut décontenancée par la soudaine révolte de la « petite », si timide le soir précédent. Elle ne trouva pas de réponse.

Louis, voyant que Lévise ne se plaignait pas et défendait son frère, ne pensa pas d’abord à l’odieux qu’il devait y avoir dans la conduite de ce taureau, qui, ivre, frappait la jeune fille.

Le sérieux de l’aventure était effacé par la naïveté des allures de Lévise, qui le divertissait doucement, et il s’amusa à exciter davantage sa confusion et sa colère.

— J’ai rencontré votre frère très-tard sur la route, et il commençait à n’avoir plus son bon sens, dit-il.

Lévise fit un mouvement pour protester ; mais contre Louis elle n’osa pas. Alors elle se retourna vers Euronique :

— Mon frère rentre quand il veut, et n’a pas de comptes à rendre. Et puis, c’est moi qui le mène…

— Et vous le menez bien ; ça ne l’empêche pas d’avoir la main leste, dit Euronique.

Lévise frappa du pied à terre, et ses yeux brillèrent.

— Eh bien ! et quand même il me battrait, c’est que cela me convient ! s’écria-t-elle.

— Vous avez lu Molière ? dit Louis à Lévise, en souriant.

Cette plaisanterie, qu’elle ne pouvait comprendre, troubla la jeune fille. Elle se tut, n’essayant point de lutter contre des phrases singulières, vis-à-vis desquelles elle