Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/61

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Devait-il enfin reconnaître ce vif entraînement qu’il niait toujours ? Ne venait-il pas de se prendre en flagrant délit ? Il ne voulut pas encore se l’avouer, car il eût fallu, ou qu’il capitulât avec tous ses sentiments de désintéressement pur vis-à-vis de la jeune fille et qui étaient chez lui la plus grande marque de la tendresse, ou que, pour y rester fidèle, il congédiât Lévise son ouvrière.

Il aima mieux méconnaître le véritable état de son cœur afin de n’avoir rien à sacrifier. Louis se dit mensongèrement qu’il y avait à Mangues dix autres « belles filles » auprès desquelles il eût éprouvé l’émotion dont il avait été saisi le matin à côté de Lévise.

Quand le jeune homme rentra à quatre heures de l’aprés midi, la première chose qui le frappa, en mettant le pied dans sa chambre, ce fut qu’on avait enlevé les fleurs.

Aurait-il pu nier qu’il reçut un choc à cette vue ? Qui donc avait enlevé les fleurs ? Était-ce un caprice subit de Lévise, une leçon indirecte qu’elle essayait de donner à Louis, comme s’il n’était plus digne, par trop ou trop peu de réserve, de mériter ses bouquets ?

Ces idées s’éveillèrent les premières dans la cervelle naïve du jeune homme.

Mais comment Lévise aurait-elle eu la hardiesse de monter jusque chez lui ? Quelle signification attribuer à ce nouvel événement ? Quel sens avait-il dans la pensée de la jeune fille, cette pensée où Louis surveillait avec anxiété le développement de l’amour !

Louis redescendit immédiatement pour en avoir le cœur net. La chambre ou se tenait Lévise était également dépouillée de fleurs ! La jeune fille penchait sa tête sur le linge, très-bas comme pour se cacher. Elle ne regarda