Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/64

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mais, dans son esprit, Lévise était tellement liée aux fleurs que, selon lui, celle-la seule qui les lui avait données pouvait les lui ôter.

Euronique courba la tête sous la semonce que lui infligea Louis, et retourna cacher son dépit dans son domaine enfumé.

— Ainsi, demanda Louis à Lévise, vous m’accusiez de « mépriser » les bouquets que vous aviez bien voulu prendre la peine de m’apporter ?

— Vous êtes un « monsieur » ce n’est pas comme nous, répondit-elle naïvement.

— Mais, dit Louis en souriant, si je suis un « monsieur », c’est une raison de plus pour que je sois au moins poli. Vous avez une bien mauvaise opinion de moi.

— Oh non ! dit Lévise.

Louis était enchanté d’avoir trouvé le mot « poli » qui limitait les inductions de Lévise et la détournait de songer à aucune galanterie, à aucune avance de la part du jeune homme.

— Si vous voulez, reprit-il, m’apporter d’autres fleurs demain, je vous promets qu’elles seront mieux conservées et défendues contre leurs ennemis.

Lévise sourit et dit : — Je veux bien, je peux en apporter encore davantage.

Le soir, il y eut encore une révolte d’Euronique. Une provision de tabac que Louis avait apportée se trouvant épuisée, il le dit à la servante afin qu’elle lui en procurât d’autre. La vieille répliqua que, le bureau de tabac étant au chef-lieu de canton, à plus d’une lieue de Mangues, une pareille course serait bien désagréable, bien longue, que son maître lui rendait le service très-dur, qu’il ne lui tenait pas compte de son attachement.