Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/65

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Louis ne se souciait guère de son côté de faire cette course, et il poussa un soupir en songeant qu’il serait obligé de s’y résigner, s’il voulait fumer, le lendemain. Il ne pouvait raisonnablement exiger d’Euronique une promenade de trois lieues. Cependant, devant Lévise, il était contrarié de paraître céder à la vieille femme après tant d’actes de vigueur.

Le lendemain matin, Lévise vint avec la gerbe de fleurs promise, une gerbe presque aussi grosse qu’un fagot. On eût dit qu’il y avait une grande fête dans la maison, à voir toutes les chambres parées d’énormes bouquets.

La jeune fille était en retard de près de deux heures, et son retard avait donné de l’inquiétude à Louis, bien qu’il eût pensé qu’on ne ramasse pas tant de fleurs sans y mettre le temps.

Lorsque tous les vases furent garnis, Lévise tira de la poche de son tablier un petit paquet brun. Louis jeta un cri de plaisir, c’était le tabac désiré.

Le jeune homme fut saisi d’un grand élan de reconnaissance envers celle qui avait tant d’attentions pour lui ! Il lui saisit la main, ne songeant pas à contenir son enthousiasme. Et, avec son système de retenue à outrance, il avait fallu en effet un véritable enthousiasme pour l’entraîner à un acte si familier ! Le vase s’emplissait peu à peu.

— Ah ! que je vous remercie ! s’écria-t-il, vous me rendez le « plus grand service » !

Puis il craignit d’avoir perdu la mesure qu’il voulait garder, et essaya de réduire la force de ses mots.

— Je suis fâché, ajouta-t-il que vous ayez été si « obligeante ».

Mais Louis revint aussitôt à des expressions mieux en accord avec ses sentiments.