La simple conversation ne fournissant pas de motifs suffisants pour qu’il fît de longs séjours dans la chambre de travail, Louis imagina un moyen qui lui permît d’y passer des demi-journées entières.
Il vint trouver Lévise avec un livre et lui demanda : Aimez-vous à lire, mademoiselle ?
— Je ne sais pas lire, répondit-elle intimidée.
Lévise, ne sachant pas lire, parut à Louis encore plus digne d’intérêt. Elle était décidément un être faible, qui avait besoin d’une tutelle. Et quoi de plus touchant que la faiblesse ?
— Eh bien ! aimeriez-vous à entendre lire ?
— Oh ! oui, beaucoup, dit la jeune fille.
— Voulez-vous que je vous fasse la lecture ? Cela vous amusera peut-être !
Lévise fit un signe de tête affirmatif. Louis la connaissait assez déjà pour discerner dans ce signe silencieux l’indice d’une émotion vive.
Louis lisait malheureusement très-mal. Sa voix se fatiguait vite et prenait un insupportable accent pleurard. Néanmoins il commença la lecture d’une petite histoire assez insignifiante. Il y mit d’abord un ton soutenable. De temps en temps, il regardait Lévise pour suivre sur son visage la progression de l’intérêt que l’histoire devait lui inspirer.
Tout alla bien d’abord ! Les yeux de la jeune fille indiquaient la grande tension de son esprit. Louis triomphait. Mais le maudit accent pleurard vint se mettre de la partie et jeter de l’engourdissement et de la monotonie dans la lecture. Louis aperçut de la fatigue et de la distraction sur les traits de Lévise. Ce résultat découragea Louis, le découragement rendit sa voix encore plus « pleurante », et le livre lui parut, à lui-même, excessivement ennuyeux et endormant.