— Tant pis pour elle ! songeait le jeune homme plein de rancune, si elle souffre, elle l’aura mérité et subira son châtiment !
Il supposait que Lévise, pénétrée des mêmes sentiments que lui, regretterait son propre départ.
Mais le lendemain Louis commença à penser que tout était bien fini. Il éprouva une sorte d’amer désenchantement, comme un enfant qui a entrevu les splendeurs d’un spectacle féerique auquel on l’arrache presque aussitôt. Il rassembla ses forces, et résolut de se résigner. Il chercha à se persuader qu’il devait dominer son mal, qu’il devait être et était satisfait d’une rupture qui le délivrait, malgré lui, de soucis et d’embarras probables pour l’avenir.
De même qu’au début il s’était obstiné à se figurer qu’il n’était pas amoureux et à chasser de sa pensée l’idée et le mot d’amour, il essaya de s’acharner à faire le sage, le stoïque, et à ne songer à Lévise que pour célébrer le bonheur d’avoir échappé aux pièges de la jeunesse. Il se donna un entrain factice, lut, écrivit, régla des projets d’existence. Dans toute cette activité, la force motrice était le dépit, la rancune. Tout ce qui avait été contre Lévise, et avait tant déplu à Louis, il voulut s’y rattacher comme pour y chercher une vengeance contre le souvenir tout vif et aigu de la fuite de la jeune fille.
Ainsi Louis se reprocha d’avoir été injuste envers Euronique.
Comme elle faisait sa chambre d’un air joyeux et empressé, et qu’il chantait avec une force soutenue par la colère, un air triomphal en signe de victoire sur les passions, Euronique lui dit : — Monsieur n’a plus l’air si « soubaud » que ces jours passés ; monsieur est comme lorsqu’il est arrivé au pays.