Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/94

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Louis avait besoin d’épancher l’excès de ses nouveaux sentiments qui l’oppressaient parce qu’ils étaient combattus par les autres, les anciens, les véritables.

— Oui, dit-il, je suis très-content ! Et sa figure était contractée.

— Monsieur avait été bien « entortillé » !

Du premier coup, cette atteinte portée à Lévise causa une petite douleur au jeune homme, ainsi qu’une pointe qu’on lui aurait enfoncée dans le sein.

— Je finissais par être maladroit, répondit-il, car il ne voulait pas s’avouer qu’il souffrait par Lévise. En effet si elle l’avait quitté pour toujours, il se sentait humilié de n’avoir point inspiré une passion plus grande, capable de survivre à un léger heurt.

— Je ne comprenais pas monsieur, reprit Euronique, « l’ouvrière » n’est pas belle, et puis, une paysanne, qu’est-ce que ça peut dire pour un monsieur ? Ça ne sait rien. Et celle-là encore qui est la plus grande paresseuse du pays, et une voleuse par-dessus le marché !

— Une voleuse ? vous croyez ? s’écria Louis en riant nerveusement, indigné de l’outrage fait à la jeune fille, et pourtant satisfait de soulager les mouvements de haine que les amants ressentent si fortement l’un contre l’autre lorsque quelque différend les sépare.

— Dam ! il manque six serviettes ! dit Euronique, et bien sûr ce n’est pas une femme qui a son ménage monté, comme moi, qui prendrait des serviettes, mais une fille qui est gueuse comme Job… d’ailleurs ils ont déjà fait des coups avec son frère !

Peu s’en serait fallu que Louis ne se fût joint à la servante pour accabler Lévise et décharger son cœur de toute l’amertume amassée ; mais l’indignité de la confidente le révoltait, et il lui était cruel d’entendre dans