Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/105

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La première chose qu’Henriette fit en ouvrant la porte de sa chambre fut de regarder vers la petite table où elle avait mis le portrait. Il n’y était pas. Son émotion et le choc qu’elle reçut dans la poitrine et au cœur sont semblables à ce qu’on éprouve lorsqu’on a failli faire une chute dangereuse. Le sang est arrêté, puis retombe comme les masses d’une cascade en froissant toutes les veines et toutes les artères.

« Est-ce qu’on l’a pris ? » dit-elle tout haut avec un accent rempli d’effroi.

Elle courut voir à la porte si la clef était restée dans la serrure pendant sa sortie, ne se rappelant pas, en effet, l’avoir tirée de sa poche pour ouvrir. Elle n’avait point emporté sa clef ! son inquiétude augmenta ; en vain ses yeux cherchaient partout.

« Je n’avais pas fermé ma porte ! » se disait Henriette pleine d’une terreur croissante ; c’était l’idée mère de toutes ces angoisses. La jeune fille fouillait dans tous les coins avec une activité saccadée, elle arrachait presque ce qu’elle touchait, regardant derrière les meubles et les rideaux ; Henriette crut avoir serré le portrait dans quelque tiroir, et elle eut un moment heureux ; elle bouleversa son linge, ses robes, en jetant la moitié au milieu de la chambre pour aller plus vite. Elle se tortura l’esprit pour imaginer des cachettes impossibles et recommença trois fois ses recherches. À la fin elle tomba dans un fauteuil, lassée et découragée, ayant à peine la force de raisonner, tout entière livrée à la peur. Puis elle se releva et se mit à ranger tout, espérant encore découvrir la petite peinture.

« Si Émile le savait, pensait la jeune fille, il croirait que je ne tiens point à son portrait. Qu’ai-je donc fait pour avoir mérité ce malheur ? Que va-t-il se passer ? Est-ce ma mère qui est entrée ici ? Qui ? Avoir laissé ma clef, lorsque je devais même boucher le trou de la serrure ! Et je perds ce portrait le lendemain du jour où il me l’a donné. Je suis impardonnable ! Et s’ils l’ont, comment vais-je m’expliquer, comment pourrai-je me justifier ? Oh ! tout se réunit !… »

Henriette pleura, se voyant garrottée par les événements et comprenant qu’elle ne pouvait rien par elle-même, qu’elle