Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/108

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Aristide courut chez sa mère, où il fit une entrée bruyante. Madame Gérard, troublée dans ses mystères de poudres, de pommades et de tours de cheveux, commença par se réfugier dans son cabinet, d’où sa voix sortit irritée, demandant :

« Qu’est-ce donc ?

— C’est moi ! répondit son fils, qui avait ainsi l’air de causer avec une porte.

— Laisse-moi ! Pourquoi ne frappes-tu pas avant d’entrer ?

— Viens voir ce que je t’apporte, ça en vaut la peine. »

Madame Gérard pendant ce colloque fit un arrangement provisoire de sa figure, puis elle passa la tête par la porte entrebâillée et vit qu’Aristide tenait un petit tableau à la main.

« Est-ce M. de Neuville qui envoie une peinture ? dit-elle.

— Non, c’est mieux. Tiens voilà ce que j’ai trouvé dans la chambre d’Henriette ?

— Comment cela ? dit madame Gérard en fronçant le sourcil ; où est Henriette ?

— J’ai pris cela sur sa table. Ce n’est pas saint Pierre ou saint Paul, je suppose.

— Connais-tu cette figure ?

— Non.

— Bon ! répliqua madame Gérard, je vois ce que c’est. Mais n’en parle à personne.

— C’est un amoureux, n’est-ce pas ? Il n’est pas beau pourtant, » dit Aristide en donnant une chiquenaude sur le nez peint d’Émile.

« Tais-toi, dit madame Gérard, nous verrons : il faut que tu m’aides à découvrir la vérité.

— Était-elle fine ! s’écria Aristide ; je ne m’en doutais pas.

— Laisse-moi ce portrait et ne t’éloigne pas trop de la maison, j’aurai probablement besoin de toi. »

Aristide partit. Il alla, triomphant, tourmenter Perrin en lui prédisant que les plus grands malheurs lui viendraient des femmes, et en lui conseillant, pour les éviter, de se mettre en état de chanter à la chapelle Sixtine.

Madame Gérard était plus irritée qu’affligée, mais il faut lui