Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/110

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— Comment ! dit le curé sincèrement consterné, mademoiselle Henriette qui avait l’air si sage !

— Mon Dieu ! ajouta madame Gérard, cela se borne peut-être au portrait, et j’espère encore que cette fatale imprudence n’est pas ébruitée ; il faut à tout prix empêcher qu’on ne l’apprenne ; il faut hâter le mariage de cette malheureuse fille ! Ah ! j’ai bien besoin de consolations, de conseils. »

Mais le curé trouva la vraie note sensible de son âme et causa un vif plaisir en répondant : « Oh ! Madame ! j’ai la persuasion que vous saurez tous nous guider et nous indiquer ce que nous devons faire. »

Le président et l’oncle Corbie furent instruits de l’affaire quelques moments après, avec commandement exprès de n’en rien laisser voir. Corbie était furieux.

« Voilà donc, pensait-il, pourquoi elle ne voulait pas de moi ! »

Et il ne fut plus préoccupé que de se venger de sa nièce et du jeune homme.

Le président, sans que ses sentiments eussent jamais été aussi nets que ceux de Corbie, éprouvait aussi au fond une sorte de dépit qu’Henriette montrât de la tendresse pour un homme quelconque.

Cela se passait avant le déjeuner où la jeune fille s’était assise avec tant de craintes. De retour de ses visites, madame Gérard retrouva dans le salon ses deux amis, qu’elle avait priés de revenir, ainsi que Corbie.

« Je ne sais comment annoncer cela à mon mari, dit-elle ; j’ai presque envie de ne point lui en parler. »

Madame Gérard ne supposait pas son mari capable de comprendre les délicatesses d’une pareille situation, et elle avait moins le désir de lui épargner des soucis qu’elle ne le considérait comme un esprit inférieur. Cependant elle trouva qu’elle le mettait un peu brusquement à l’écart et reprit :

« J’aime assez cette enfant, malgré le mal qu’elle me fait, pour ne pas l’exposer à la colère de son père ! Que de ménagements nous allons avoir à prendre pour ne pas trop irriter Pierre.

— À nous quatre, dit le président, nous amortirons le coup. »