Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce n’est pas à elle qu’on donne des commissions ! » murmura, en s’en allant, Aristide, qui, du reste, envoya le domestique, à sa place, porter le chapeau.

Pierre partit pour ses fermes ; le président retourna au salon avec Corbie, que les intentions d’Henriette semblaient tenir dans l’anxiété.

Le combat continuait entre madame Gérard et sa fille.

« Enfin s’écria la mère en voyant entrer Corbie et M. de Neuville, et les prenant à témoin : je voudrais bien savoir quels sont tes vrais motifs de rester ici ce soir.

— Mais je l’ai toujours dit, répliqua Henriette je n’aime pas le monde, la toilette m’est insupportable ; je préfère me coucher de bonne heure et bien dormir. On connaît cependant mon indolence !

— Alors, c’est par système philosophique, reprit madame Gérard avec un sourire dédaigneux ; mais la philosophie commande aussi de suivre les convenances !

— Je suis mal à mon aise au bal… je m’y ennuie ; les gens de Villevieille n’ont rien de bien intéressant.

— Non, non ; tu as quelque raison particulière que tu caches. Mais j’ai mes raisons, moi aussi, de ne pas tolérer ce parti pris d’obstination et de censure que tu affectes ici maintenant.

— Oh ! dit Henriette, il n’y a là ni obstination, ni censure ! Vous faites les choses plus graves qu’elles ne sont. Je voudrais éviter une soirée d’ennui, voilà tout… je le répète. D’ailleurs, j’irai, puisqu’on y tient ; mais je n’ai rien de prêt.

— Je le sais bien ; tu t’es arrangée de façon à n’être pas prête. Mais je te coifferai moi-même, s’il le faut. Je ne veux pas te laisser le plaisir de nous contrarier. C’est par trop ridicule !

— Est-ce moi qui ne suis pas d’accord avec les autres ou les autres qui ne sont pas d’accord avec moi ? répondit Henriette.

« Au fait, reprit-elle, puisque c’est une si grande question d’État, je vais aller voir là-haut si je n’ai pas encore des gants et des rubans frais, afin que le public ne soit pas mécontent quand on m’exposera devant lui.