vers Corbie, que tous ces mots à ressort secret laissaient fort indifférent, M. de Neuville lui dit :
« Expliquez donc à votre frère qu’Henriette ne veut pas aller au bal.
— Et sa mère se fâche ? demanda Pierre.
— Vous devriez insister vous-même auprès d’Henriette.
— Oh ! sa mère a de plus grands talents diplomatiques que moi !
— Ce serait dommage ! dit Corbie. Henriette est la plus jolie aux bals de Villevieille.
— Elle a un rude caractère, cette petite entêtée-là, dit Pierre. Je ne suis pas fâché qu’elle donne un peu de mal à ma femme.
— Il y a des jours où elle est charmante, ajouta le président ; mais quand elle se forge ses idées !…
— Dans le fait, on n’y comprend plus rien ; elle a aussi pris l’habitude d’être impertinente et dédaigneuse.
— Oh ! dit Corbie, elle a tant de talent et d’esprit, pourtant !
— Je crois qu’elle s’ennuie, reprit le président.
— Raison de plus pour aller au bal, s’écria Corbie.
— Elle ira, dit Pierre ; ma femme finit toujours par en venir à bout. »
Le refus de la jeune fille d’aller au bal paraissait remplir toute la maison de trouble, car Aristide arriva à son tour.
« Ça m’aurait bien étonné, dit-il, si elle avait voulu venir là-bas ce soir. Mais, comme toujours, on va trouver ça charmant ! C’est toujours si beau… tout ce qu’elle fait ! »
Aristide était un garçon dont l’éducation, un peu trop rustique, n’avait raffiné ni les manières ni le langage. Son père ne tenait pas beaucoup à l’élégance, et les résultats obtenus par ce système sur Aristide montraient que malheureusement il avait tort.
« Oh ! c’est égal, reprit Corbie, elle a bien des qualités !
— Oh ! répliqua Aristide, parce que tout le monde le dit.
— C’est bien, ajouta Pierre, qui ne jugeait pas utile l’intervention de son fils dans cette grave affaire ; va me chercher mon chapeau.