Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/136

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cette lumière, tu te rendras malade. Veux-tu que je t’envoie demain M. le curé, si tu es tourmentée ? »

Madame Gérard affectait de croire sa fille agitée de remords de conscience.

Henriette, voyant qu’elle était épiée, et que la suspicion organisée veillait autour d’elle, se coucha silencieusement devant sa mère, pour échapper à une conversation qui lui faisait mal, et pour pouvoir souffrir à son aise. Madame Gérard éteignit elle-même la bougie, ferma la porte et se retira, laissant la jeune fille désolée, navrée, et versant sans bruit un torrent de larmes !

« Si Émile ne vient pas, c’est moi qui irai à Villevieille », pensait la jeune fille.

C’était contre Émile qu’avaient aboyé les chiens.

Après sa cruelle visite, il avait raconté à sa mère comment cela avait tourné.

« Je n’en suis pas étonnée, dit-elle, je m’y attendais. Voyons, cher enfant, il est peut-être encore temps. Promets-moi d’en finir avec cette malheureuse affaire ; ne retourne plus là-bas ; tâche de prendre sur toi…

— Non, répondit-il, je ne peux pas ; j’y pense toujours, à toute minute ; il faut que j’aille la revoir. J’ai tout fait échouer par ma faute. Que doit-elle dire de moi ?

— Comment, tu ne peux faire cela pour ta mère ? me promettre de laisser passer au moins quelques jours ?

— Oui, je le ferais pour toi, si je le pouvais, mais autant vaudrait me tuer.

— Je ne te demande pas d’y renoncer absolument, dit sa mère, espérant le calmer par une concession momentanée, mais d’attendre, de rester paisible quelque temps. Tu me crois donc enfin ton ennemie ?

— Non, mais je ne puis pas, je ne puis pas ! Je ne sais ce qui se passe. On va peut-être me l’emmener !

— Mais enfin, si j’ai besoin de toi ici pendant deux ou trois semaines !

— Ah ! tout cela m’écrase. Je ne sais pas ce que je suis, ce que je veux faire.