Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/152

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— Oui, elle a un très bon caractère. Vous la verrez, je crois qu’elle vous plaira.

— Je ferai restaurer le château, dit Mathéus.

— C’est bien inutile !

— Si elle y vient, cependant, il faut que tout ait bonne tournure. Tenez, venez faire un tour, nous en parlerons sous les arbres. »

Voyant tant de joie et d’empressement, Corbie fut jaloux et se repentit de ses propositions. « Elle n’aurait qu’à être bien avec lui ! » se dit-il. Mais l’instinct de l’aversion lui affirma qu’il ne pouvait se tromper.

Toute la journée et toute la soirée Mathéus, excité par ses espérances, entretint Corbie de l’avenir, et à dîner il se laissa aller à boire un peu, bien que ce lui fût expressément défendu.

Aux Tournelles, pendant cette même soirée, on fit de véritables extravagances. Madame Gérard voulut employer le magnétisme pour savoir si on trouverait le mari. Elle était très tourmentée par la tentation de rendre des oracles, sincères ou non, afin d’étonner et effrayer son petit monde.

Madame Gérard se plaça donc sur une chaise, le président se mit en face d’elle, touchant ses genoux des siens ; puis, au milieu de l’émotion générale, le curé lui-même se laissant séduire malgré les mandements de son évêque contre le magnétisme, M. de Neuville promena ses mains maigres sur le front, les bras, les doigts de madame Gérard, qui soupira, s’agita, et remua convulsivement les jambes.

Le président jeta un regard lent et grave sur les assistants, et dit à voix basse « Elle dort ! »

Un silence attentif et anxieux accueillit cette bonne nouvelle.

Le président concentra tout son fluide nerveux, qui, en passant par ses yeux, ses lèvres et son nez, leur fit faire une grimace pleine de solennité. Il en imprégna madame Gérard, et tout à coup demanda d’une voix impérative « Le voyez-vous ? »

Madame Gérard tressaillit et répondit d’une voix mourante : « Je le vois ! »