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CHAPITRE IX


tranquillité, plante qui ne croît que dans les cœurs secs


Il y avait quelques jours que la lettre d’Henriette était écrite, et la jeune fille ne savait encore rien.

Dans sa petite chambre blanche, Henriette ne voyait plus que du noir. Le lendemain de la visite de Mathéus, il lui parut déjà étrange qu’Émile ne cherchât pas à la revoir ; et les imaginations mauvaises la tourmentèrent. Elle essaya de travailler, de lire : la tapisserie et le livre tombèrent de ses mains. Elle se mit à la fenêtre : le soleil, sec, torride, l’attrista ; le pays semblait désolé et inhabité, et Villevieille une ville enfouie et détruite. Des larmes qui ne pouvaient couler se réunissaient sous sa paupière. Elle se dit qu’elle ne pourrait pas vivre dans ce tourment.

« Oh ! je me plaignais d’être malheureuse, quand il fallait seulement l’attendre un jour ! Que j’étais pourtant heureuse dans mes chagrins d’alors, comparativement à ceux d’aujourd’hui ! Ce qui fait mon mal, c’est d’être née dans cette famille. Lui, il a une mère, bonne, intelligente ! Ah ! lorsqu’il me proposait de m’emmener, que ne l’ai-je pris au mot ! Maintenant, que fait-il ? Pourquoi ne me répond-il pas ? L’empêche-t-on de venir ? Mais il aurait pu se déguiser, envoyer. Que vais-je faire, s’il m’abandonne ? »

Henriette soupçonna enfin qu’on pourrait n’avoir pas remis sa lettre. Elle descendit à la cuisine, où Marie était toute seule, et lui demanda si la commission avait été faite. Marie, qui