Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/166

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n’avait pas osé tromper madame Gérard, trompa Henriette :

« Oui, Mademoiselle, j’ai porté votre lettre.

— Au bureau ?

— Oui, Mademoiselle.

— Si vous ne l’aviez pas portée, ce serait un grand malheur !

— Je l’ai mise à la poste, soyez-en sûre, Mademoiselle. »

Henriette remonta ; le singulier espoir qu’Émile fût peut-être en ce moment derrière le mur du parc l’anima follement. Elle agita son mouchoir à la fenêtre pour lui donner un signal, et crut voir remuer les arbres.

Le cœur lui battit, ses genoux tremblèrent, elle ne songea qu’à courir au fond du parc, n’osant pas se raisonner.

À peine Henriette eut-elle fait cent pas dehors qu’elle rencontra son frère avec l’idiot Perrin.

« Où vas-tu ? demanda Aristide.

— Je fais ma promenade, répondit-elle troublée, désolée.

— Tiens, nous aussi reprit Aristide d’un air narquois : promenons-nous tous les trois, tandis que le loup n’y est pas.

— Oh ! reste avec ton ami.

— Non, j’aime mieux aller avec toi, j’ai quelque chose à te montrer. »

Henriette sentit douloureusement que quelque méchanceté allait avoir lieu.

« Que veux-tu me montrer ? dit-elle avec une impatience triste.

— Tu vas voir, ce ne sera pas long. »

Il mena sa sœur à l’endroit des rendez-vous. Henriette était inquiète, ne sachant ce qu’il voulait. Son frère gambadait avec une canne qu’il mettait à tous moments dans les jambes de son camarade. Quand ils furent arrivés, Henriette put voir toutes les précautions qu’on avait prises pour empêcher de nouvelles escalades. Elle fut navrée.

« J’espère qu’on a bien arrangé ça ! » dit Aristide.

D’un autre côté, Henriette se consola à demi. Elle ne reverrait plus Émile, , mais aussi il lui était expliqué pourquoi le jeune homme n’avait pu revenir.