Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/174

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— Quelle vie a-t-il donc menée ?

— Ma foi ! ma belle-sœur, le contraire de moi ! chacun son goût et ses principes !

— Il a été galant.

— Oui, il a eu beaucoup d’intrigues.

— Alors, dit madame Gérard en se tournant vers son mari, il est aussi usé qu’expérimenté.

— J’en répondrais ! répliqua Corbie.

— Il n’y aura évidemment pas d’enfants.

— Il ne songera peut-être même point à en avoir, dit Pierre à son frère.

— Je n’en répondrais pas cette fois.

— Il vivra encore moins longtemps, s’il n’est pas plus sage que cela.

— Je l’ai vu quelquefois avant qu’il fût arrangé, comme dit ma belle-sœur ; il ne tient vraiment qu’à un fil.

— Henriette sera veuve de très bonne heure, dit madame Gérard, nous ferions bien de prendre quelques arrangements à propos de cette fortune. A-t-il des proches parents ?

— Non.

— Bon ! il apporte tout en communauté à Henriette ; mais il faut que nous en profitions, nous aussi. Je voudrais qu’on fît quelque chose pour Aristide, parce que, quand M. Matheus sera mort, Henriette peut se remarier sans notre consentement et transporter ses 80,000 livres de rente ailleurs. Je consulterai le président sur ces questions de droit. Si, par hasard, Henriette mourait avant son mari, il faut que sa dot nous fasse retour ; on ne sait pas ce qui peut arriver.

— Mais, dit Pierre, que voudriez-vous donc pour Aristide ?

— Je ne sais pas si, en droit, cela peut se régler, mais ne pourrait-on pas s’arranger de manière à ce qu’à la mort de M. Mathéus, il revînt de l’argent à Aristide ?

— Si, dit Pierre, et cela sans donner de dot à Henriette par le fait. J’admets que nous lui constituions cent mille francs : eh bien ! nous lui ferons faire une donation entre vie de cette somme à son frère. Elle s’engagerait, par exemple, à la lui restituer, si, étant veuve, elle ne vivait pas en famille avec nous. Mais Henriette consentira-t-elle ?