Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/180

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— Mais elle décidera de tout, » s’écria Mathéus.

Madame Gérard sourit et répondit :

« Quelle jeune fille ne serait ravie d’une telle perspective ! Monsieur, vous connaissez l’art de séduire. Vous êtes un magicien. M’autorisez-vous à révéler à ma fille vos dispositions ? Ne craignez-vous pas qu’elles ne lui tournent un peu trop la tête ?

— Je les lui répéterai de ma propre bouche, dit Mathéus.

— Ma foi, Monsieur, ajouta Pierre, vous êtes le véritable gendre qui me convient ; un homme de tête qui sait ce qu’il veut ! Permettez-moi de vous serrer la main. »

Madame Gérard n’aimait pas la conversation de son mari, trouvant qu’il manquait souvent de tact et d’à-propos.

« Je vous ai profondément estimé pour avoir renoncé comme moi à Paris, et être dans vos terres, continua Pierre. Si vous étiez agriculteur, je serais encore plus charmé, mais je vous apprendrai, si vous voulez. La Charmeraye offre des ressources admirables pour la prospérité du pays. L’agriculteur est un bienfaiteur public par cela seul qu’il travaille pour lui-même. Vous verrez, nous méditerons là-dessus… »

Madame Gérard arracha Mathéus à son mari.

« Vous avez à peine entrevu ma fille…, dit-elle à Mathéus.

— Madame, elle est restée ici, » dit le vieillard prétentieux en montrant son cœur.

Mathéus portait des pantalons gris un peu larges, un habit bleu à boutons d’or, un gilet blanc semé de fleurs lilas, une cravate bleue nouée avec art, un superbe chapeau de paille et des gants très clairs. Élégant et frais comme un jeune homme qu’on aurait momifié quarante ans auparavant, pour le revêtir d’habits modernes, ses discours subissaient l’influence de ce costume de bon goût et de recherche.

Madame Gérard s’inclina en signe de remerciement devant l’aimable réponse de Mathéus et dit :

« Vous ne l’avez peut-être pas vue tout à fait à son avantage ; un peu de malaise la rendait contrainte et préoccupée ;