Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« J’ai fait un pari avec votre oncle, répondit-il, le pari de deviner en peu de temps toutes les personnes qui sont ici, et je vous demande d’être mon complice pour m’aider à gagner. »

« Qu’est-ce que tout cela signifie ? » se demanda Henriette, qui cherchait à comprendre la momie, comme si elle eût eu réellement à déchiffrer quelque hiéroglyphe.

« Et c’est moi, ajouta-t-elle, que vous avez choisie la première pour sujet de vos observations. Il y a pourtant ici des personnes plus intéressantes que moi.

— Aucune à mes yeux, » dit vivement Mathéus.

Henriette s’amusait de la monomanie galante dont semblaient affligés tous les vieillards autour d’elle. Il ne manque plus que le président à la fête, » pensa-t-elle.

« Vous n’avez donc pas remarqué, reprit-elle, cette dame, madame Baudouin ? Voilà une personne distinguée par l’esprit et la beauté.

— Je n’y ai pas fait attention, répondit bonnement Mathéus.

— C’est cependant par elle que vous auriez dû commencer, au moins à cause des égards dus à l’âge.

— Vous vous moquez de moi, dit Mathéus charmé ; si vous saviez quel plaisir il y a d’être auprès d’une jeune fille spirituelle et charmante, vous ne voudriez pas si cruellement m’exiler.

— Spirituelle et charmante ! dit Henriette. Qui vous a mis cela dans la tête ? Et vous prétendez me connaître !

— Ah ! c’est que vous joignez la modestie…

— Voilà les parfums qui recommencent.

— Mais je suis sincère, dit Mathéus suppliant ; vous m’avez inspiré une grande affection. »

Henriette fut frappée de ces paroles, qu’elle comprit à contre-sens. Elle y vit une coïncidence avec son désir de trouver un ami, un protecteur ; mais le visage du vieillard protestait contre cette espérance, et elle se dit : « Que pourrais-je faire de cette marionnette ? »

Cependant, madame Baudouin, madame Gérard et le pré-