Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/198

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Parbleu ! répondit le jeune homme, on sait où cela mène. »

Le salon était bien éclairé, les fenêtres ouvertes, l’air tiède ; beaucoup d’étoiles d’une lueur mate ; tout le monde en habits d’été de couleurs claires ; des abat-jour transparents adoucissaient la lumière des lampes. Sur une table on avait placé des fruits et des sirops glacés. Le sentiment des joies du bien-être et de l’aisance large vous saisissait au milieu de cette pièce fraîche, sentant bon, contenant des fleurs et abritant huit ou dix personnes souriantes. Henriette joua divers airs banals et célèbres. On l’applaudit beaucoup, sauf la mince petite madame Vieuxnoir, qui tapotait aussi du piano. La jeune fille commençait à être assez satisfaite de sa soirée, mais elle n’était pas quitte de ses exercices : on voulait que la représentation fût complète. Mathéus se serait jeté à genoux, l’extravagance lui entrait par tous les pores.

Le salon semblait rempli d’une gaîté générale : sourires, regards brillants, compliments. Cette atmosphère magnétisait Henriette.

Corbie, qui ne lui parlait jamais, s’approcha d’elle et, avec une fausse figure, des yeux embarrassés, des lèvres tremblantes, il lui dit :

« Allons, ma nièce, bon courage ! vous verrez que les talents mènent à quelque chose !

— Oh ! mon Dieu, non, » répondit sa nièce, ne voyant pas le sarcasme dans cette phrase.

Comme une ombre, Mathéus était attaché à elle. Profitant des conversations sur les arts qui s’engageaient entre toutes ces personnes qui n’y connaissaient rien, il s’efforçait de l’amener à lui apprendre ses goûts, ses désirs.

« Vous devez, lui dit-il, être sensible à l’harmonie de tout ce qui vous entoure, Mademoiselle, vous qui aimez la musique ?

— Comment comprenez-vous cela ? demanda Henriette.

— Je parle de l’aspect, de la couleur, de la forme des objets. Êtes-vous satisfaite de l’arrangement de ce salon, de la maison ?

— Oui, mais c’est un peu vulgaire.