Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/209

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— Sous quoi ?

— La scène d’Henriette.

— Eh bien ! que comptez-vous faire ? » dit Pierre, croyant troubler sa femme en la contraignant à voir en face un désastre irréparable.

Pierre présentait un profil grotesque sous les draps blancs. Madame Gérard était à demi déshabillée, arrangée mi-partie noir et blanc, et agitée comme une Phèdre. Une seule veilleuse brillait dans la chambre sombre. L’ombre de madame Gérard voltigeait, informe et démesurée, sur la muraille. Les yeux de Pierre ne quittèrent pas une seule fois le ciel de son lit. Une mauvaise humeur brutale lui enlevait, rare exception ! le sommeil. Madame Gérard, au milieu de sa marche saccadée, jetait sur son mari des regards pleins de mépris et de méchanceté. Les paroles commencèrent à sortir de part et d’autre, à la façon des étincelles lorsqu’on bat le briquet.

« Je compte en finir ! » dit-elle brusquement.

Pierre jura : « Eh ! finissez-en une bonne fois ; cela commence à m’ennuyer.

— Je vous réponds que cela m’ennuie encore plus que vous.

— Ce n’est qu’une petite coquine.

— Vous arrivez donc à le reconnaître !

— À qui la faute ? Du reste… vous ne l’avez jamais aimée.

— Il ne s’agit pas de vos découvertes. Lui parlerez-vous ?

— Vous le verrez bien.

— Oh ! elle ne sera pas la plus forte ; je la ferai plier ; qu’elle prenne garde !

— Et quand je pense que c’est vous qui l’avez élevée !

— Oui, répondit madame Gérard en bondissant vers le lit de Pierre, oui, je l’ai élevée, parce que vous en étiez incapable, vous ! »

Pierre reprit son habituelle raillerie défensive : « Les résultats que vous avez obtenus me rendent moins modeste !

— Vous n’avez ni intelligence, ni cœur, dit madame Gérard ; toute votre vie l’a bien montré. Et tout ce qu’on peut me reprocher, je l’ai fait parce que je n’avais pas d’estime pour vous.