Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/210

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— Je ne vous demande pas votre confession, » dit Pierre du ton le plus brutal, mais effrayé de voir soulever le voile étendu jusque-là d’un commun accord sur les plaies du ménage. Du reste, cette soirée terrible avait démonté la régulière horloge des relations de ce couple, ordinairement prudent.

« Je vous engage à ne jamais m’exciter à des représailles, s’écria madame Gérard. Mais parlons de cette détestable enfant, et d’elle seule.

— Avez-vous le droit de la traiter si mal ? dit Pierre.

— Certainement, Monsieur, » répondit madame Gérard de son air le plus superbe.

Pierre ne pouvait lutter contre la vaillance insurmontable de sa femme.

« Soit, soit ! dit-il, nous perdons du temps à discuter, tandis qu’il faut prendre un parti.

— Laissez donc, laissez donc, reprit madame Gérard, c’est moi qui vous poursuis pour vous en faire prendre un.

— Comme vous voudrez, dit Pierre haussant les épaules.

— D’ailleurs, continua madame Gérard, elle s’est bien trompée, car ce qu’elle a fait là avancera son mariage.

— Je veux qu’elle soit mariée avant quinze jours, s’écria Pierre. Je vais faire publier les bans immédiatement.

— Oui, nous les ferons publier. Mais là n’est pas encore l’important !

— Ah ! est-ce parce que je le propose ?

— Peut-être bien ! Il y a d’autres mesures à prendre.

— Mais, quand je dirai que je le veux, je voudrais bien savoir ce qu’on pourra me répondre.

— Oh ! ce n’est pas ainsi que vous dompterez votre fille. Vous n’avez pas étudié son caractère. C’est un tout autre système qu’il faut employer.

— Vous l’avez assez étudiée, vous, pour lui laisser avoir un amant.

— Eh bien, si elle a un amant, elle n’a pourtant point commis de faute grave, et cela grâce à moi, grâce aux principes que je lui ai donnés. Voilà ce dont nous devons nous féliciter.

— Vous arrangez toujours tout.