Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/214

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« Il est possible, dit-elle, que j’aie été emportée par…

— Vous vous repentez, je le comprends. Eh bien croyez-vous qu’il y ait une réparation à nous faire ? Croyez-vous pouvoir détruire la mauvaise idée que vous avez donnée de vous ?… Ne craignez rien, du reste, votre père ne vous parlera pas comme vous le mériteriez, il veut se contenir !

— Oui, dit Pierre, j’entends que cela ne recommence plus. »

Henriette ne répondit pas, attendant quelque chose de plus décisif.

« Et devant tout le monde ! reprit madame Gérard d’une voix sourde. Il fallait que vous fussiez égarée, car, si vous aviez votre raison, vous seriez sans excuses. Songez donc que votre âge ne peut vous donner le droit d’agir comme vous avez agi. Vous vous êtes rendue à jamais odieuse ; vous verrez que cela pèsera sur votre avenir. Pensez donc que si nous devons toujours être entravés dans nos projets par vos caprices, nous serons obligés de trouver des moyens d’abattre vos prétentions de tyrannie domestique. Nous avons maintenant un ennemi dans notre maison, et c’est vous ! Ce que vous nous avez dit a profondément blessé notre cœur, et au moment même où nous ne sommes occupés que de vous, de votre bonheur. Je voudrais que vous eussiez affaire à des parents moins faibles, moins indulgents…

— Certainement, dit Pierre, votre mère est trop bonne. Si vous vous croyez la maîtresse ici, je vous ferai voir que vous ne l’êtes pas. La famille ne doit pas être troublée dans son ordre. Voulez-vous vous décider à être soumise à l’avenir ?

— Vous avez, ajouta madame Gérard, à effacer le passé, à vous faire pardonner bien des fautes. L’orgueil et la fierté sont deux défauts, soyez-en sûre. Vous vous croyez un esprit très supérieur ; vous ne l’avez cependant pas montré. Suivez mon conseil, descendez du haut de vos prétentions. Pour voler, il faut des ailes, et les vôtres ne sont pas encore poussées. Soyez plus modérée ; daignez laisser faire ceux qui ont de l’expérience et, quoique vous paraissiez en douter, de l’affection pour vous. Vous vous en trouverez mieux que de vous confier à votre tête, encore un peu trop jeune. »