Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/222

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Au moment où elle sortit, il lui dit : « Eh bien, es-tu contente ? À quand la noce ? » Henriette ne le regarda pas et passa. Il lui fit une grimace par derrière. Pour se consoler, Aristide courut à la cuisine, où il trouva le domestique Jean, qui cassait de vieilles planches. Aristide s’amusa à l’aider.

« Est-ce vrai, demanda le domestique, que mademoiselle va se marier ?

— Bah ! dit Aristide, ça peut durer longtemps, de ce train-là !

— On dit que c’est avec ce vieux monsieur qui a un château. »

Aristide ne manqua pas de rire.

« Ne voilà-t-il pas un beau mari, hein ? pour une fille qui aime les jeunes !

— Ce n’est pas trop amusant non plus, dit le domestique.

— Ce n’est pas pour l’amuser qu’on la marie !

— C’est égal, reprit Jean, il est vieux, malgré qu’il soit bien tenu. Est-ce que c’est un ancien militaire, ce monsieur-là ?

— Non, c’est un ancien, voilà tout, » dit Aristide riant plus fort.

Madame Gérard, à ce moment-là, appela son fils et lui reprocha de passer son temps avec les domestiques et les paysans, ce qui lui faisait prendre de mauvaises manières.

Aristide répondit : « Ce n’est pas étonnant, on ne veut jamais causer avec moi. On aime mieux parler avec Henriette.

— Tant qu’on te verra préférer cette société-là à la nôtre, dit la mère, on ne sera pas fort disposé à te prendre au sérieux. Du reste, voici des affaires graves qui nous arrivent. Mon intention et celle de ton père est que tu y prennes part. Nous voulons te demander ton avis.

— Mon avis ! répéta Aristide, ouvrant ses yeux et ses narines comme en face de quelque gourmandise extraordinaire.

— Tu sais…

— Oui, je sais…

— Eh bien ! penses-tu qu’il faut faire ce mariage ?

— Je le crois bien, s’écria-t-il. Vous vous laissez toujours dire par Henriette des choses… que je ne souffrirais pas !