Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Si vous n’en êtes point satisfaite telle qu’elle est, dit Mathéus, il sera facile de la faire arranger.

— C’est une excellente idée de nous donner une fête, reprit Henriette : il faut nous la faire voir sous sa bonne mine, cette Charmeraye. »

Madame Gérard se croyait dans un pays inconnu ; pleine de défiance, elle considérait Henriette avec un ébahissement aussi comique que celui d’un homme qui, ayant laissé échapper des secrets importants devant un sourd-muet, s’aperçoit qu’il n’a affaire ni à un muet ni à un sourd.

Mathéus, ranimé comme s’il entendait des trompettes sonner des fanfares entraînantes, s’écria : « Ah ! que vous me rendez heureux. Mademoiselle ! »

« Qu’il ne se réjouisse pas tant, » pensa Henriette, qui reprit, voulant interrompre toute explication amoureuse : « J’ai des idées très arrêtées sur l’emploi des grandes fortunes. Mes plans sont tout faits. J’ai des systèmes sur les bijoux, que j’aime beaucoup et que je n’ai jamais possédés en grande quantité. »

Mathéus se dit que ces paroles signifiaient : Marions-nous.

« Jamais, répondit-il, les diamants n’auront été si bien placés qu’à votre cou. J’en ai beaucoup qui viennent de ma tante, je serai charmé que vous les fassiez monter à votre fantaisie.

— Il est si nécessaire, recommença Henriette, d’être établi sur un grand pied et d’employer largement ses revenus ! Le mouvement des domestiques, l’activité d’un grand train me remplit de gaité et m’amuse ! On croit qu’on ne peut pas faire de luxe en province : au contraire, on peut y mener des existences princières !

— Quand on est seul, dit Mathéus, il est difficile de bien monter une maison : lorsque nous serons deux… » Il hésita.

Henriette ne protesta pas, elle riait en dedans. Madame Gérard ne savait que dire, tant elle était étonnée ; elle avait perdu tout son sang-froid.

« Lorsque nous serons deux, continua Mathéus, j’aurai le plaisir de vous voir déployer votre bon goût. Tout est à vous, et, si quelque chose me tarde, c’est de vous voir ordonner,