disposer de votre fortune. Je vous aime beaucoup, Mademoiselle, plus que vous ne le pensez ; j’aurais beau vous répéter mille fois que vous pouvez compter sur un cœur, ce ne serait pas une preuve, mais dites-moi à l’instant même ce que vous désirez, peut-être ne douterez-vous plus.
— Je vous suis très reconnaissante, dit Henriette prise dans cette déclaration comme dans un filet, et je vous avoue qu’il me paraît fort intéressant, lorsqu’on a vécu d’une façon simple, de se trouver tout à coup très riche. »
Henriette ne tranchait pas assez dans le vif ; elle ne mettait pas trop grand courage à s’avilenir devant Mathéus, et elle ne pouvait se plier si facilement à feindre. Elle craignait d’être accusée de mauvaise foi plus tard, après avoir paru s’engager positivement ; aussi reprit-elle :
« Mais, comme je vous l’ai dit, il faut que la Charmeraye me plaise.
— Elle lui plaira, Monsieur, soyez-en certain, » dit madame Gérard avec son accent impérieux.
Mathéus s’écria :
« Je ferai tout pour qu’elle vous plaise. »
Henriette, prise à l’improviste par le coup de patte de sa mère, se laissa dompter à moitié.
« Mais je l’espère bien, » répondit-elle.
Mathéus se retira de bonne heure pour aller savourer sa joie, comme un homme qui après avoir longtemps perdu au jeu fait un jour un gain considérable.
« Eh bien ! tu as su être très fine, dit à Henriette madame Gérard, qui cherchait à savoir le fond de sa pensée.
— Ce n’est pas difficile, répondit à double entente la jeune fille.
— Aussi cela ne tardera pas beaucoup maintenant, ajouta madame Gérard à dessein.
— Oh ! sans doute ! » dit Henriette.
La jeune fille avait frémi, mais elle comptait toujours sur le dernier moment pour se relever.
« Tu vois que je ne t’avais pas trompée, tu seras heureuse !
— Probablement, répliqua froidement Henriette, qui, lasse