Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/263

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peu la maladie du monde, la pazzia regina del mondo ! Que dois-je dire à votre mère ? que vous n’avez plus qu’à vous embrasser… »

Le président venait de se tromper étrangement, en présentant à Henriette, comme bouquet du discours, les qualités de sa mère. Outre que cela déplaît généralement aux filles, celle-ci connaissait trop les mystères de la maison, et elle eut un moment cette réponse sur les lèvres : « Dites à ma mère qu’elle aurait dû choisir tout autre que son amant pour m’engager à renoncer au mien ! »

Henriette avec la même froideur répliqua : « Dites-lui que vous m’avez dit tout ceci.

— Ce serait une mauvaise plaisanterie et une inconvenance, s’écria le président fort mécontent de l’effet de son éloquence. Mais enfin quelle impression avez-vous donc ressentie ?

– Ah ! le résumé des débats ! reprit Henriette, eh bien ! dites que j’attendrai encore longtemps ! »

Comme elle sentait que le président avait quelque raison, elle était piquée de ne pouvoir répondre par la raison, et elle se laissait entraîner à une impertinence qui marquait l’impuissance.

Le président montra sur son visage aigu tant de mécontentent, que la jeune fille chercha à adoucir ses dernières paroles.

« Je ne conçois pas, ajouta-t-elle, que chaque jour on revienne à la charge. C’est bien inutile. J’ai déclaré mes intentions, je n’ai pas changé. Je vous remercie beaucoup de votre bienveillance.

— Et moi, dit le président, qui voyait en elle un mystificateur, je vous conseille de réfléchir sérieusement quand vous serez seule, et de faire un examen impartial des faits, pour parler le langage de tribunal que vous me reprochez !

— Ah ! reprit Henriette plus doucement, c’est ce que je fais chaque heure de la journée, et ma conviction est bien arrêtée : je ne crois agir ni follement, ni sottement. Mais ce que je nee comprends pas, c’est que personne autour de moi n’ait voulu reconnaître ma sincérité, combien j’aime Émile et