Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/272

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« Qu’est-ce que vous faites là ? lui dit insolemment Aristide.

Émile rougit, devinant que c’était le frère d’Henriette ; mais il fit le hautain, se retournant de l’autre côté sans répondre.

« Vous pouvez bien répondre quand on vous parle, » reprit brutalement Aristide. Celui-ci, comme beaucoup d’imbéciles, n’était pas du tout poltron. Il avait plus de courage qu’Émile pour les batailles. Il aimait les coups de poing, parce qu’il savait les donner et était assez vigoureux.

Émile le regarda par-dessus l’épaule en affectant un air méprisant et dit : « C’est à moi que vous parlez ?

— Il ne faut pas être malin pour s’en apercevoir. Vous ne devez pas rester là.

— Mon cher Monsieur, dit Émile, que la perspective d’une querelle émouvait et qui voulait conserver la supériorité des discours et de la dignité à défaut d’autre, je n’ai pas besoin de consulter des gens que je ne connais pas pour choisir les endroits où je veux m’arrêter : ainsi faites-moi le plaisir de me laisser tranquille, je ne suis pas disposé à faire la conversation avec vous.

— Et moi je vous dis que je veux que vous vous en alliez de là, » cria Aristide menaçant.

Émile commença à être un peu inquiet de la figure irritée d’Aristide. Les visages bouleversés par la colère l’impressionnaient toujours vivement. Il était troublé aussi par les droits de frère d’Aristide. Sa faiblesse de malade était exposée devant deux garçons solidement bâtis. Cependant, il trouvait honteux de perdre son sang-froid vis-à-vis d’un homme de son âge, il aurait voulu lancer quelque mot capable d’écraser Aristide, il répondit d’une voix que l’émotion embrouillait : « Je vais vous apprendre, dans votre intérêt, à avoir plus d’esprit que vous n’en avez : quand vous ne vous plaisez pas là où est votre voisin, quittez la place le premier. »

Aristide se mit à rire grossièrement : « En fait d’esprit, vous en avez, vous, s’écria-t-il, pour courir après les filles qui ont de l’argent. »

Aristide et Perrin tombant tout à coup sur Émile ne l’eus-