Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/274

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sois inquiète. Il ne faudra bientôt plus bouger. C’est une inquisition qui m’obsède. Je veux être comme il me plaît, triste, gai, sans être condamné à subir un interrogatoire.

— Bien, dit madame Germain, je ne veux pas te contrarier ; mais pour toi et pour moi, il vaudrait mieux avouer ce que tu as.

— Ce que j’ai, mon Dieu ! ce que j’ai ! Nous n’avons pas d’autre conversation ! D’ailleurs, je ne puis le dire. Cela se débat avec moi seul. Un jour, je dirai tout ; aujourd’hui, c’est impossible, il ne pourrait me sortir une parole. Je le voudrais, mais tout me reste sur la poitrine !

— Ah ! s’écria madame Germain en soupirant, je prends cette ville en haine : si tu pouvais être comme moi !

— Moi, au contraire, j’y suis soudé maintenant, dit Émile tristement.

— Si tu voulais ouvrir les yeux, pourtant !

— Mais j’ai pensé à tout cela. Je me le suis dit à moi-même. Et il n’en faut pas moins que je reste jusqu’à ce que cela finisse ! »

Émile s’arrêta, accablé.

« Voilà que tu me fais peur encore ! s’écria-t-elle ; quelles sont tes pensées secrètes ? Pourquoi ne pas t’expliquer ? »

Émile vit qu’il effrayait sa mère.

« Oh ! reprit-il avec un sourire destiné à la rassurer, cela finira bien… par l’oubli, comme il arrive à tout le monde.

— Émile, mon cher enfant, nous ferions mieux de partir !

— Mais non, ce n’est pas nécessaire, je guérirai par moi-même.

— Tu penses donc enfin pouvoir devenir plus calme ? Oh ! tant mieux !

— Mais il n’y a point de doute ! dit Émile, qui ne savait s’il mentait ou s’il disait vrai !

— Pourquoi étais-tu si triste tout à l’heure ?

— Pas plus qu’à l’ordinaire, répliqua le jeune homme, à qui cette tendresse de mère faisait un effet adoucissant.

— Voyons ! je te connais, mon ami, tu le sais : Qu’est-ce qui te tourmentait ?

— Pas grand’chose, reprit Émile, cédant à l’influence de