Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/299

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Elle était jalouse du succès que s’attribuait ! e curé.

« Et, continua-t-il si, mademoiselle Henriette n’avait pas négligé ses devoirs religieux, cela ne serait pas arrivé.

— Si elle les a négligés, dit madame Gérard, c’est la faute de mon mari, qui donnait l’exemple de l’indifférence. »

Puis elle ajouta :

« Ah ! quel poids de moins, le jour où je la verrai mariée !

— C’est chose arrangée ! » dit le curé, plein de confiance.

Malheureusement, le soir même, Henriette montra que ce n’était point encore chose arrangée. Le curé en fut très désappointé et lui garda rancune.

Madame Gérard n’était que recouverte d’une couche de chagrin : dessous on retrouvait la femme-fourmi. Elle avait le temps d’inspecter des établissements bienfaisants, de griffonner des paragraphes à insérer dans le plaidoyer de M. Vieuxnoir ; elle se levait à six heures du matin, tracassait les domestiques par des ordres multipliés, organisait les blanchissages, les conserves d’office, le charbon, le vin ; ensuite elle retournait dans sa chambre, écrivait dix lettres, notait les pensionnaires de la Société de Providence ; après déjeuner, elle faisait ou recevait des visites, ayant encore un moment de la journée à consacrer au curé, qui faisait son office de directeur, puis au président, qui dirigeait les affaires de la famille. En même temps, madame Gérard, de concert avec madame Baudouin, surveillait la confection du trousseau d’Henriette. C’étaient de continuelles conférences sur les dentelles et les batistes.

La charrue de Pierre arriva enfin à maturité. La tête de cet inventeur bouillonnait de projets et de spéculations que l’alliance avec Mathéus pouvait seule féconder.

Il commença à presser sa femme.

« En finissons-nous ? lui dit-il. Il est étonnant qu’on laisse traîner cela en longueur. Le temps de moissonner arrive. Henriette ne se laisse pas mener, elle est plus rusée que vous !

— Demain, répondit madame Gérard, le notaire vient préparer le contrat, et j’envoie Aristide demander la publication des bans à la mairie. Le curé est déjà averti, quant aux bans religieux !