Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/311

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Il lui écrivit, en rentrant, toutes les amertumes qu’il avait dans la tête.

Voici sa lettre :


« Madame,

« Je viens d’être appelé chez le commissaire de police, sur votre dénonciation. Je vous devais bien cela, car c’est moi qui vous ai tourmentée, tandis que vous ne m’aviez causé aucunes peines ; c’est bien vrai ! Je reconnais là, Madame, cette générosité, cette largeur d’esprit, que vous m’aviez déjà montrées en m’accusant d’avoir suborné votre fille et de vouloir m’approprier votre fortune, en compromettant mademoiselle Henriette, pour vous obliger à me la donner en mariage.

« Oui, Madame, vous avez bien raison, les jeunes gens n’ont pas d’autres pensées, et ce sont des misérables qu’il faut faire noter chez le commissaire de police, comme tarés et vicieux.

« Mais les femmes sèches et dures qui détestent un jeune homme parce qu’il est pauvre et loyal, qui lui arrachent par surprise des révélations dont elles se font une arme contre lui, qui le renvoient de leur maison, qui coupent brutalement une liaison pure sans s’inquiéter du mal qu’elles font à deux cœurs, ces femmes-là ont le droit de dormir tranquilles.

« Moi, si je suis malheureux et désespéré, c’est que je suis un coquin. Vous, Madame, qui êtes pleine de cœur et de vertus, vous vous occupez de toilettes, de bons dîners, de charités bruyantes, avec une parfaite sérénité.

« Ah ! que de choses je pourrais cependant relever qui ne sont pas à votre honneur, mais que je tairai à cause de vous savez bien qui.

« Ainsi, Madame, sans me connaître, sans jamais m’avoir vu, vous vous êtes faite mon ennemie et une ennemie acharnée, et cela parce que j’ai aimé votre fille. Vous avez profité du respect que je devais doublement vous porter, pour m’insulter de la façon, la plus cruelle, lors de cette visite que je vous ai faite et que je n’oublierai jamais. Et à présent encore, sans vous soucier de briser mon avenir, de rendre ma mère ma-