Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/335

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« Tu es si singulière, dit madame Gérard, que je ne t’avais pas proposé de te montrer ce que nous te donnons. Tu y étais très indifférente !

— Non, répondit Henriette, je ne sois pas singulière ! »

La jeune fille alla trouver Mathéus et lui dit :

« Vous me comblez !

— Moi, du moins, je puis me regarder comme heureux de ce qu’on me donne ! » s’écria-t-il en lui pressant la main entre les siennes.

Et il ajouta :

« Chaque pas que je fais me rapproche du moment que j’attends. Je suis comme les architectes : à présent les fondations de ma maison sont jetées ; j’espère qu’elle s’achèvera. Maintenant que les contrats sont préparés, que vous m’avez permis de vous offrir le peu que je possède, et que vous avez bien voulu accepter ces petits cadeaux, — il désigna la pièce où était la corbeille, — je sens quelque chose de réel.

— Oui, dit la jeune fille, l’œil fixe, pensant à autre chose, pensant qu’il y avait une sorte de vengeance à leurrer ce vieux homme acharné après elle.

— J’ai été désespéré, reprit-il, il y a quelques jours. Maintenant je n’ai plus ce doute qui m’a tant déchiré !… Je vous vois déjà là-bas, dans cette chambre à coucher !…

— C’est vrai, dit-elle avec un sourire menteur, « nous y serons très bien. »

— Ah ! vous êtes charmante ! et bonne ! et excellente ! s’écria-t-il, mais vous m’aviez bien tourmenté : pourquoi donc ?

— Je ne sais pas, répondit-elle d’un air vague. C’est bientôt le 18 ! fit-elle.

— Enfin ! continua-t-il, dans quatre jours je pourrai faire tout ce que j’ai dans la tête.

— Je vous en remercie ! »

Mathéus voyait bien qu’elle ne parlait pas d’une manière naturelle. Il la jugea très émue.

Toute la journée se passa à arrêter ou discuter l’ordre et la marche des cérémonies. Henriette causa des apprêts, donna des indications. Madame Gérard épuisait sa sagacité à al-