Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/342

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Madame Germain fit un geste qui signifiait « Cela devait être ! »

« Les femmes sont des misérables ! dit-il avec un accablement que ne surmontait pas l’irritation. Avec de l’argent on en fera toujours ce qu’on voudra. »

Il leva en l’air ses deux poignets marqués de cicatrices rouges.

« Voilà ce que je lui dois, moi ! s’écria-t-il.

— Eh bien ! dit sa mère, c’est fini à présent ! Elle se marie… nous nous y attendions.

— Non, dit Émile, ce n’est pas fini : cela commence, au contraire.

— Quoi ? demanda madame Germain, qu’est-ce qui commence ?

— En six semaines ! reprit Émile : elle n’a pas attendu deux mois seulement

— Est-ce qu’elle t’a jamais aimé ? dit madame Germain : tu as eu tort de la prendre au sérieux !

— Qu’elle ne m’ait jamais aimé… il le faut bien… mais moi, je l’ai aimée. Quelle duperie !… Je comprends qu’il y ait des hommes qui fassent souffrir les femmes…

« Je le vois bien, qu’elle ne m’a jamais aimé ! répéta-t-il… Elle s’amusait !

— Mon Dieu ! dit sa mère, quand tu seras plus calme, tu verras que c’est ce qui pouvait arriver de plus heureux. Tu n’as pas nui à la réputation de cette jeune fille, comme cela était à craindre. Jamais tu ne l’aurais épousée. Elle trouve un mari, tu dois être satisfait dans ta conscience d’honnête homme !

— Ah ! laisse-moi, avec ton bon sens ! s’écria Émile ; c’est une abominable créature : voilà tout ! Si on savait ce que j’ai fait pour elle ! J’ai failli perdre ma place ; oui, tu ne l’as pas su, et il s’en est de peu fallu. J’ai failli me tuer, j’ai accompli des tours de force, en me soumettant aux choses les plus antipathiques à mon caractère, et puis la misérable se marie… Quand même elle aurait été sincère !… ce serait toujours une misérable !…