Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment agitées, et redoutait que ces mains ne s’abattissent sur lui pour le mettre en pièces.

« Mais, misérable homme que vous êtes, reprit-elle en le tenant par les mains et en le secouant avec violence… c’est vous qui l’avez tué !…

— Vous me faites mal ! dit faiblement Mathéus.

— Pourrai-je jamais vous faire autant de mal que vous m’en avez fait ? s’écria Henriette en le serrant plus fortement… Lâche créature ! quand j’ai pleuré, que je vous ai supplié de vous retirer d’ici ; quand je vous ai insulté, quand vous avez vu comme je me suis débattue, avez-vous eu assez de cœur pour me laisser ? Vous êtes-vous inquiété de l’horreur qu’il y a d’être mariée avec un être hideux, laid, stupide et mauvais !… Ah ! je vous ferai expier, à vous et à ces autres misérables, la mort d’Émile ! »

Mathéus se laissait secouer comme une masse inerte !

Elle le lâcha et tourna un instant autour de l’appartement ; ne trouvant pas à donner une issue assez rapide à sa douleur furieuse par des paroles, elle envoya un grand revers de main sur des porcelaines, des bijoux pressés sur une table, dons du vieillard, et les fit voler en éclats ; des morceaux atteignirent la tête de Mathéus. Il joignit les mains et glissa à terre, évanoui !

Henriette ne pouvait se calmer ; elle s’approcha, le foula aux pieds, et, comme prise de fièvre, elle continua à briser tout ce qui était dans l’appartement. Enfin, elle s’arrêta et s’appuya au bord d’une commode.

« Oh ! quand je pense, s’écria-t-elle, comme si Mathéus pouvait l’entendre, quand je pense que je n’ai pas eu confiance en Émile, que j’ai cédé aux fraudes d’êtres secs et inintelligents, que je l’ai fait mourir ! Oh ! je voudrais écraser ce vieux corps idiot. Et je suis entrée dans le lit de cet homme indigne, tandis qu’Émile se tuait… C’est là ma fidélité ! »

Elle souleva une corbeille en porcelaine et la tint suspendue au-dessus de la tête de Mathéus, qu’elle regardait avec une rage inouïe.