Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/86

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Pierre un matin et que madame Gérard pourrait devenir présidente.

Madame Gérard se leva pour aller chercher une broderie dans la chambre voisine.

M. Doulinet et M. de Neuville demeurèrent ensemble avec Aristide. Le curé et le président ne s’aimaient pas. Le second se plaisait toujours à taquiner l’autre. Le curé baissa le nez et tapota sur la table du bout des doigts, tandis que le président le considérait d’un air superbe. En même temps. Aristide, garçon d’un esprit singulier, contemplait tour à tour leurs profils avec un œil de dessinateur, en murmurant entre ses dents un petit air sur ces paroles : « C’est l’abbé le plus laid, laid, laid ! »

Madame Gérard rentra et se mit à parler de magnétisme, dont elle avait la prétention de s’occuper.

Or, le président aurait désiré, ce jour-là, rester seul avec son amie. Je ne sais quelle tendresse et quel renouveau de printemps s’emparaient de son cœur ; mais il voyait avec fureur l’éternel curé enraciné sur sa chaise, ou cloué par les pieds sur le plancher. Le curé avait en effet le défaut de ce plus s’en aller, une fois installé quelque part.

M. de Neuville essaya de désigner des yeux, à madame Gérard, le doux abbé Euphorbe, afin qu’elle le renvoyât ; mais elle ne comprit point.

« Le magnétisme, dit-elle, peut m’ouvrir une vie nouvelle ; il faut continuer nos essais.

— Madame, interrompit le curé, je vous demanderai la permission de ne plus assister aux séances. Il y a défense de Monseigneur.

— Ainsi vous croyez que le démon est en madame Gérard, dit le président en ricanant.

— Je me soumets à l’ordre.

— L’indépendance du rabat ! marmotta le président, qui ne voulait rien pardonner à l’ennemi de son bonheur.

— Monsieur le curé, s’écria madame Gérard pour arrêter les hostilités, je vous enverrai le tableau bientôt ; c’est un Subleyras authentique !