Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/87

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— Madame, je me fais une fête d’égayer un peu les yeux de mes paroissiens, grâce à vos bontés.

— M. de Neuville écrira un de ces jours au maire de Severs pour ces panneaux sculptés à sujets de sainteté dont je vous ai parlé.

— Avec deux lampes, dit le curé d’un ton résigné, l’église commencera à se vêtir.

– Je m’en occuperai », répliqua madame Gérard.

Le président, exaspéré qu’on voulût toujours l’employer à la chasse des panneaux de bois à sujets de sainteté, pour le compte du curé, n’y tint plus.

« À propos de panneaux, monsieur l’abbé Euphorbe, s’écria-t-il, avez-vous su celui dans lequel est si drôlement tombé votre confrère le curé Minaquet ?

– Non, dit faiblement le curé, pressentant des désagréments.

— C’était un bel homme, occupé surtout de ses paroissiennes, et, parmi ses paroissiennes, d’une charbonnière encore fort blanche ; une commère comme il en faudrait davantage pour les abbés Minaquet »

Ce tour léger fit frémir le curé.

« Est-ce une histoire de cour d’assises ? demanda-t-il en jetant un regard de détresse à madame Gérard.

— C’est une histoire de l’espèce grasse, dit M. de Neuville ; la comédie salée n’existe plus que chez les gens d’église.

— Moi, je crois à la moralité des gens de loi, dit l’abbé ; mais c’est peut-être par charité.

— Eh bien, ayez la charité d’écouter mon histoire, reprit le président, mon cher monsieur l’abbé Euphorbe Doulinet.

— Monsieur le président Moreau de Neuville, répondit le curé, fâché de la façon ironique dont l’autre étalait toujours son nom et son titre, croit systématiquement à la calomnie. Les robes de loi ont les manches plus larges que les nôtres.

— Eh bien ?

— On peut y cacher aussi… dit le curé intimidé. Nous n’avons pas fait de vœux. L’abbé Minaquet avait fait vœu de chasteté, et pourtant on l’a retrouvé dans le sac à charbon, et fort court vêtu, sans compter les coups de bâton