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ÉDOUARD.

j’aurais voulu remercier M. le maréchal d’Olonne, et je ne pouvais que verser des larmes. Au milieu de ma douleur, je ne sais quel sentiment doux se glissait pourtant dans mon âme ; les pleurs que je voyais répandre à madame de Nevers étaient déjà une consolation ; je me la reprochais mais sans pouvoir m’y soustraire. Dès que je fus seul dans ma chambre, je me jetai à genoux ; je priai pour mon père ; ou plutôt je priai mon père. Hélas ! il avait fourni sa longue carrière de vertu, et je commençais la mienne en voyant devant moi des orages. Je fuyais ses sages conseils quand il vivait, me disais-je, et que deviendrai-je maintenant que je n’ai plus que moi-même pour guide et pour juge de mes actions ! Je lui cachais les folies de mon cœur ; mais il était là pour me sauver ; il était ma force, ma raison, ma persévérance ; j’ai tout perdu avec lui. Que ferai-je dans le monde sans son appui ! sans le respect qu’il inspirait ! Je ne suis rien, je n’étais quelque chose que par lui ; il a disparu, et je reste seul comme une branche détachée de l’arbre et emportée par les vents. Mes larmes recommencèrent ; je repassai les souvenirs de mon enfance ; je pleurai de nouveau ma mère, car toutes les douleurs se tiennent, et la dernière réveille toutes les autres ! Plongé dans mes tristes pensées, je restai longtemps immobile, et dans l’espèce d’abattement qui suit les grandes douleurs ; il me