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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/10

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ÉDOUARD.

vincible distraction. Je n’eus pas besoin longtemps de dissimuler pour avoir l’air triste ; je revis à dîner madame de Nevers, elle évita mes regards, ne me parla point, sortit de bonne heure, et me laissa au désespoir. Cependant sa sévérité s’adoucit un peu les jours suivants, et je crus voir qu’elle n’était pas insensible à la peine qu’elle me causait. Je ne pouvais presque pas douter qu’elle ne m’eût deviné ; si j’eusse été sûr de sa pitié, je n’aurais pas été malheureux.

Je n’avais jamais vu danser madame de Nevers, et j’avais un violent désir de la voir, sans en être vu, à une de ces fêtes où je me la représentais si brillante. On pouvait aller à ces grands bals comme spectateur ; cela s’appelait aller en beyeux. On était dans des tribunes ou sur des gradins, séparés du reste de la société ; on y trouvait en général des personnes d’un rang inférieur et qui ne pouvaient aller à la cour. J’étais blessé d’aller là, et la pensée de madame de Nevers pouvait seule l’emporter sur la répugnance que j’avais d’exposer ainsi à tous les yeux l’infériorité de ma position. Je ne prétendais à rien, et cependant me montrer ainsi à côté de mes égaux m’était pénible. Je me dis qu’en allant de bonne heure, je me cacherais dans la partie du gradin où je serais le moins en vue, et que dans la foule on ne me remarquerait peut-être pas. Enfin le désir de voir madame de Nevers