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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/103

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LE MARCHAND DE ZAMORA.

« La voix de Gavino était émue ; ses larmes demandaient à couler : il les retint, pour donner à ses fils l’exemple de la fermeté. Elles tombèrent en abondance après leur départ. Toute la gloire promise à ses fils ne le consolait pas d’une telle séparation. Peu à peu cependant le charme de ses rêves adoucit l’amertume de sa douleur.

« Fabrice et Pedro écrivirent de Madrid pour annoncer l’accueil bienveillant du médecin du roi. L’un était déjà dans un régiment, l’autre dans une école de médecine. Pedro maniait le fusil, Fabrice la lancette. — Les voilà en route, disait le voisin ; ils arriveront. En toute chose le premier pas est seul difficile ; il ne faut ensuite, pour continuer à marcher, que mettre un pied devant l’autre.

« Mais, hélas ! à quoi servent les vastes projets ? La mort, d’un coup de sa faux, se plaît à les renverser. Ces tristes réflexions, mon cher hôte, vous annoncent le moment douloureux où mon voisin Gavino me fut ravi pour toujours. Il avait dîné chez moi ; il me quitta à l’heure accoutumée. Le lendemain, il m’envoya chercher ; je le trouvai dans son lit ; sa tête était brûlante. Je devinai sans peine que cette ardeur du sang provenait de la tension continuelle de son esprit. Je lui conseillai quelques remèdes dont l’emploi m’avait été salutaire. Mon ami me répondit : — Je suivrais aveuglément votre conseil, si je ne