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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/104

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LE MARCHAND DE ZAMORA.

devais pas auparavant consulter le médecin de ma Térésa. Il ne l’a pas sauvée, il est vrai, mais ce n’est pas sa faute ; la nature est souvent bien entêtée ; quelquefois aussi elle nargue les médecins. Elle a contre eux de la rancune : elle ne leur pardonne pas de la contrarier, soit qu’ils guérissent quand elle veut qu’on meure, soit qu’ils tuent quand elle veut qu’on guérisse.

« Le médecin arrive ; le mal augmente. — Voisin, me dit Gavino en serrant ma main dans les siennes, s’il me faut quitter la vie, ce sera sans regret. J’ai rempli mon devoir, j’ai fondé dans l’État une grande famille. Mon nom figurera dans l’histoire. La tristesse de mes derniers moments se perd dans la douceur de cette pensée. J’aurais bien voulu cependant voir Pedro après sa première bataille ; mais puisque Dieu en ordonne autrement, il faut obéir sans me plaindre, Mon ami, donnez à mes chers enfants la bénédiction de leur père. Pour de bons fils, cette couronne vaut bien une couronne de laurier. Je donne l’une, la gloire donnera l’autre.

« Une heure après il n’était plus. »

Ici le voyageur aux quatre mules noires suspendit sa narration. La tête cachée dans ses deux mains, il semblait oublier que l’hôte, près de lui, écoutait toujours. Après un moment de silence il toussa pour retrouver la voix. Ses yeux étaient