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LE MARCHAND DE ZAMORA.

— Un moment, dis-je, procédons par ordre. Chacun à son tour va raconter comment ont été détruits les projets de votre bon père. Mon avis étant adopté, je donnai la parole à Pedro. Son histoire ne fut pas longue. Toute la protection du médecin du roi avait à peine pu lui obtenir un grade subalterne dans un régiment. Traîné de garnison en garnison, ses années s’écoulaient, se perdaient, lorsque, la guerre s’étant déclarée, Pedro vit enfin la carrière ouverte à son ambition. Il allait se distinguer, il allait marcher au généralat ; mais à la première affaire, sa jambe partit, le laissant là sans qu’il ait pu jamais en avoir des nouvelles. Conduit dans un hospice, on le soigna, on le guérit, puis on le mit à la porte. Le régiment fit de même. On lui délivra son congé de réforme, honorable certificat qui vous déclare brave et inutile. Dans ses plans de grandeur militaire, Gavino croyait avoir tout prévu ; il n’avait oublié qu’une bagatelle : le canon.

« Fabrice mit la même brièveté dans son récit. Sa vie n’était pas trop chargée d’événements. Il avait étudié la médecine, la chirurgie et jusqu’à la pharmacie ; mais les malades semblaient s’être donné le mot pour fuir sa triple science. Ils avaient plus de plaisir à mourir de la main des autres qu’à guérir de la sienne. Sa vie se consumait ainsi dans une activité stérile, lorsqu’enfin la misère, cette seconde fatalité qui jette les